Critique Cinéma - "Le Corbeau"

27/11/2017

Les classes de première et terminale L ont eu l'occasion d'aller voir Le Corbeau, un film des années 40. Ils ont voulu nous faire part de leur avis sur le film. Ci-dessous, vous trouverez leur critique cinématographique. 

Ce film en noir et blanc a été réalisé par Henri-Georges Clouzot, sous l'occupation allemande lors de la Seconde Guerre mondiale. Le réalisateur a bien vite contourné la censure en faisant produire son œuvre par la Continental, une société de production financée par des capitaux allemands. Mais le film n'est pas exporté en Allemagne car jugé trop diffamatoire. La Continental produisait en grande majorité des films de propagande, c'est pourquoi le doute plane encore sur les réelles intentions du réalisateur : d'abord accueilli comme un film dénonçant la vie sous l'Occupation, Le Corbeau est ensuite hué pour un soutien aux nazis. Le célèbre réalisateur dut se mettre en retrait de la vie cinématographique pendant un temps, condamné pour avoir soulevé des problématiques de l'époque et montré les français sous un trop mauvais jour.

Pourtant, c'est bien d'un fait réel dont s'inspire le film : l'affaire des lettres anonymes de Tulle. Une vingtaine d'années avant la réalisation du film, un individu se faisant appeler l'Œil du tigre provoque une vive agitation au sein de Tulle, là où, comme dans tout petit village de campagne, tout le monde se connaît et se fréquente. Ainsi, grâce à ces lettres signées de son pseudonyme, le fauteur de troubles fait courir des rumeurs aussi humiliantes qu'insultantes, et surtout, absolument obscènes et immorales, sur les habitants. La ville se voit noyée sous un raz-de-marée de suspicion continue, ne lui donnant pas une odeur plaisante de sel, mais bien une infâme puanteur d'angoisse. En 1943, l'Œil du tigre devient le Corbeau et la fascinante histoire de délation qui eut lieu entre 1917 et 1922 est portée à l'écran. Dans la fiction, nous suivons l'avancée du docteur Germain, la cible préférée du Corbeau. Sa réputation est mise à rude épreuve, plus que celle de tout autre personnage. Il lui devient alors impératif d'arrêter l'envoyeur de lettres anonymes, qui sème la terreur dans la ville provinciale. L'enquête mise en œuvre devient une véritable chasse à l'homme, dans laquelle tous les moyens sont bons pour mettre fin aux fourberies assassines de l'oiseau de la mort.

Ainsi, Le Corbeau est un film à l'allure de mystère qui nous tient en haleine jusqu'à la fin. Malgré un rythme un peu redondant, l'intrigue nous captive et nous emplit de sombres soupçons, à l'instar des personnages de l'histoire. En effet, nous sommes embarqués dans un complot sans pareil, dans lequel innocence et culpabilité se mélangent en une amère potion. Enfant ou vieillard, personne n'est épargné par les accusations scandaleuses du Corbeau. De tous les personnages, aucun n'est complètement blanc ou complètement noir, comme le montre cette magnifique scène où la lampe tourne au-dessus de la tête des personnages. La lumière apparaît et disparaît successivement, révélant une portée philosophique : quelle est la part d'ombre et de lumière en chacun de nous ? Laquelle prend le dessus ? L'humain est un être dans lequel ces deux parties se confondent et se confrontent modifiant ainsi les frontières du bien et du mal, et de la vérité et du mensonge. Toutes ces limites semblent s'effacer sous la plume du Corbeau, faisant ressortir ainsi tous les mauvais côtés du village, qui prend des allures d'asile psychiatrique.

Le bouleversement total des villageois est égal à celui du public. En effet, le réalisateur dénonce nombre de choses, passant par l'hypocrisie, la naïveté, les secrets, la folie, la jalousie, l'égoïsme... Tout cela entraîne une réelle réflexion sur l'interdit, l'immoral et la place que l'Homme leur donne. De plus, Clouzot traite de sujets très polémiques pour l'époque -certains le sont même encore aujourd'hui- tels que l'avortement, l'adultère, le suicide ou encore la relation à la religion. Ainsi est dépeint un monde de vices cachés dans l'ombre, technique énormément travaillée et utilisée dans ce film en noir et blanc. Cela n'empêche pas de faire ressortir des personnages hauts en couleur : les protagonistes, entourés de plein d'autres villageois, chacun est attachant à sa manière.

Pour finir, nous pouvons dire que nous avons globalement aimé ce film poignant et témoignant d'une histoire bien lointaine, et d'une vérité de tout temps : l'homme évolue mais sera toujours confronté à la loi, à la norme, à la morale. Beaucoup seraient rebutés à l'idée de voir un film en noir et blanc, or nous pouvons l'affirmer : ce n'est pas la couleur qui donne la qualité au film, mais bien l'idée qui y est véhiculée.


Écrit par Elora P., avec l'aide de Eva A., Perrine C., Séraphin C. et Bérénice L. 


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